PROPOSER DES VOYAGES SOLIDAIRES, TELLE EST LA MISSION QUE SE SONT FIXÉE AURÉLIEN ET ANTOINE EN CRÉANT DOUBLE SENS, UNE AGENCE QUI PRIVILÉGIE LES ÉCHANGES ET LES RENCONTRES HUMAINES. DES VALEURS QUI NOUS PARLENT ET QUI NOUS TOUCHENT AU CŒUR.

Double Sens est un concepteur de voyages créé en 2006 pour proposer une autre manière de voyager, au gré d’un tourisme solidaire. La démarche s’inscrit dans une logique de développement durable où les échanges et les rencontres sont privilégiés tout au long du séjour.

Riches de leurs expériences et de leurs convictions, Aurélien Seux et Antoine Richard, tout juste 24  ans en 2006, ont fait le pari un peu fou de créer une agence de voyages solidaire. Voyager autrement, privilégier la rencontre, donner du sens à son voyage : une ambition valeureuse, pionnière, et ô combien salutaire dans un monde touristique souvent cynique et irrespectueux des populations locales et de l’environnement.

Après une école supérieure de commerce, Aurélien, en mission en Tanzanie, et Antoine, en poste à Londres dans une grande entreprise informatique, caressent l’idée de monter un projet commun autour de l’économie sociale et solidaire. « Notre soif d’indépendance mêlée à celle du voyage nous a conduits à tout plaquer pour monter notre propre entreprise. Bouclé en à peine six mois, notre projet a recueilli le soutien unanime du Réseau Entreprendre », se souvient Aurélien.

Les banques suivent et l’agence se met en place. Double Sens proposera des voyages où l’on prendra le temps de comprendre la culture locale et d’y participer. Les échanges seront au coeur de chaque voyage pour une expérience unique, en petit groupe, au plus proche de la culture locale. Un tourisme responsable et participatif où découverte et solidarité résonnent comme une évidence, où le voyageur vit une réelle immersion et tisse des liens dignes de ce nom. Car les deux amis souhaitent par-dessus tout privilégier les échanges, les rencontres, l’aspect authentique de la relation humaine.

UN PROJET BIEN FICELÉ

La structure prend forme à la suite d’un voyage convaincant au Bénin, où tous les ingrédients sont réunis pour mettre en place un projet viable. Leur démarche ? Soutenir une association locale existante. Car Aurélien et Antoine s’attachent à l’idée que les initiatives présentes sur place peuvent être soutenues par le tourisme. L’idée ? Que le tourisme soit simplement un levier de développement communautaire. Sur place, Double Sens favorise la création d’emplois locaux. Toutes les activités sont sous la responsabilité des équipes locales, qui bénéficient d’une rémunération juste, dans les valeurs du tourisme équitable. Les deux amis passent quatre ans au Bénin pour assurer une continuité des emplois. « Quand dans le tourisme classique de nombreux emplois s’appuient sur des prestataires, ici nous avons des salariés locaux qui peuvent travailler tous les mois », explique  Aurélien.

Double Sens a ainsi réussi à créer des partenariats avec des équipes locales autour du même idéal de tourisme solidaire. Un tourisme où les retombées économiques des séjours sont équitablement partagées entre le concepteur de voyages et les communautés d’accueil.

Au-delà de cette logique de partage, Double Sens s’engage à reverser 50 € par voyageur à la réalisation de projets de solidarité. Les projets sont identifiés et gérés par les équipes et partenaires locaux dans chaque région traversée. Ils sont ensuite relayés à l’ensemble des voyageurs par le biais de Frères de Sens, l’association des anciens voyageurs de Double Sens. C’est grâce à ce réseau et aux dons collectés, ainsi qu’à l’entourage personnel et professionnel des voyageurs que de nouveaux projets voient le jour chaque année. Double Sens appuie Frères de Sens par le biais d’un financement solidaire qui permet au cumul de couvrir l’ensemble des frais de fonctionnement de l’association et ainsi de préserver tous les dons exclusivement au financement des projets. En 2015, avec 450 départs, Double Sens a dédié 30 000 € à l’appui de projets sociaux, dont 12 500 € directement reversés à Frères de Sens.

SEPT NOUVELLES DESTINATIONS

Depuis le Bénin, sept destinations se sont ajoutées : les voyageurs peuvent partir au Burkina Faso (2010), en Équateur (2012), au Cambodge (2013), à Madagascar (2014), au Vietnam (2015), au Sri Lanka (2015), et enfin au Cap-Vert depuis cette année. Dans ces pays, les paysages et les rapports humains ont la priorité sur les sites ou les monuments célèbres et c’est l’ouverture d’esprit qui fait la différence au quotidien. Ce sont aussi des pays stables où le voyageur se sent en sécurité.

Aurélien raconte : « Au Cambodge et au Vietnam, les projets mis en place sont susceptibles d’être générateurs de revenus pour les communautés. Ce sont des associations partenaires qui ont ciblé les familles d’accueil. Elles bénéficient d’un complément de revenus et les communautés autour vont pouvoir bénéficier d’un chantier de leur choix en accord avec l’association (la construction d’un poulailler, d’une porcherie…). L’association pourra assurer le suivi sanitaire et les réseaux de vente pour garantir de vraies retombées. Depuis trois ans que nous sommes au Cambodge, nous avons réalisé un projet par mois et plus de 30 familles ont bénéficié d’un projet générateur de revenus sur le long terme. »

« Les voyageurs participent activement à une mission bien définie selon le pays, avec une équipe locale bien rémunérée, et les retombées économiques sont équitablement réparties entre l’agence et le village hôte pour pérenniser les projets. »

Avant le départ, les voyageurs préparent leur voyage à La Ruche (plateforme de travail collaboratif et d’initiatives solidaires basée quai de Jemmapes, à Paris) au travers d’ateliers, en fonction de leurs compétences, de leurs expériences, de ce qu’ils peuvent transmettre. Les anciens viennent témoigner et parler aux futurs voyageurs de prévention, de santé, de soutien scolaire. Au Sri Lanka, les projets sont liés à la protection de l’environnement (protection de la forêt primaire ou participation au développement d’une agriculture biologique, projets de reforestation ou de préservation de la Mangrove) tandis que dans les pays francophones, comme le Bénin, le Burkina ou Madagascar, ce sont surtout des projets d’animation, d’ateliers socioéducatifs auprès des jeunes ou des enfants.

DEUX VOYAGEUSES TÉMOIGNENT

Cécile : « Parties en défricheuses au Sri Lanka l’année dernière, nous nous apprêtons à repartir au Cap-Vert cette année. J’avais envie de voyager autrement, mais ce n’est pas évident de trouver la bonne formule quand on n’a que trois semaines de vacances. Nous avions regardé d’autres agences, mais ce que nous avons aimé chez Double Sens, c’est l’échelle humaine de la structure. Nous avons eu une réunion huit mois avant de partir, l’accompagnement et la sensibilisation étaient très appréciables. Au Sri Lanka, nous étions pionnières sur la destination. Les gens n’étaient pas habitués à voir des touristes, nos échanges ont été humainement très riches. Nous sommes intervenues dans des jardins et potagers bio pour aider les populations à avoir de quoi se nourrir et vendre leur production sur les marchés. Nous avons traversé la forêt primaire, sommes allées à dos d’éléphant, avons pris le train dans les montagnes. »

Marie, pharmacienne de formation, voulait tenter une mission humanitaire : « Mais attention, il y a une grosse différence entre l’humanitaire d’urgence et le voyage solidaire qui met en place des projets de développement avec les communautés locales. Nous avons fait de vraies rencontres humaines, tout en nous sentant utiles. Quand on est sur un voyage participatif, on reste auprès d’une communauté, le respect des gens est alors différent. La magie de la rencontre qu’on n’a pas sur les circuits aseptisés m’a donné envie de renouveler l’expérience. »

DES PROJETS DURABLES

« Notre tout dernier projet se situe au Cap-Vert, où nous nous sommes rapprochés d’une association qui rénove les quartiers populaires et repeint les façades en couleur. Chaque groupe amène un budget, ce qui permet à l’association locale d’être soutenue et de pouvoir mieux se développer. Résultat ? Il y a un véritable échange entre les voyageurs et la réalisation du projet. Le voyageur partira pour une semaine de chantier et une semaine de découverte sur une autre île avec randonnées, bivouac, nuits chez l’habitant… », explique Aurélien.

Qui choisit de partir en voyage solidaire ? Aurélien décrypte, chiffres à l’appui : « Si nous avons surtout des individuels (60 %), nous avons aussi de plus en plus de familles (20 % l’année dernière, et 20 % de comités d’entreprise), même parfois des voyages de classes ! Ces départs touchent aussi bien des jeunes que des retraités et nous avons une grosse proportion de femmes, qui se sentent rassurées de partir sur un voyage encadré, mais rassemblant des valeurs communes. Enfin, 30 % de nos anciens voyageurs veulent renouveler l’expérience. Nous travaillons en partenariat avec Terres d’Aventure et Nomade Aventure, qui ont désormais un onglet “Voyages solidaires” sur leur site. »

Les destinations sont choisies au coup de coeur sur un projet, en phase avec la philosophie de Double Sens. À terme, l’agence souhaite être présente sur une quinzaine de destinations afin de pouvoir répondre à tous les acteurs locaux du tourisme, qui les sollicitent de plus en plus fréquemment. Très souvent, les voyageurs souhaitent renouveler l’expérience et reviennent dans le pays visité afin d’apporter une suite aux échanges construits.

« Une preuve que nous sommes sur du durable, se réjouit Aurélien. Ils ne veulent pas ajouter un nouveau palmarès à leurs destinations mais revenir au même endroit pour renouer les relations humaines. » Loin d’être une chimère, le rêve d’Aurélien et Antoine a pris corps et continue à se développer en défendant des valeurs humaines. Une histoire exemplaire. 

Par IRIS MALUSKI