Le voyage solidaire pour des rencontres authentiques
Pionnier dans le tourisme alternatif, soucieux de partager des valeurs de solidarité et de réciprocité, Double Sens propose des voyages en immersion dans la vie locale, en soutenant des projets écologiques et sociaux. Un concept porteur de sens qui préfigure le tourisme de demain.
“J’avais envie de vacances qui changent de l’ordinaire, de vivre quelque chose de plus authentique et d’utile”, se souvient Laëtitia, 35 ans, employée de bureau, qui a fait le choix de partir avec le concepteur de voyage solidaire Double Sens. “J’ai trouvé ça super sympa de voyager, rencontrer des familles et donner un coup de main concret à des populations tout en partageant des choses fortes avec eux au quotidien”, ajoute celle qui a participé à la construction d’un poulailler familial au Cambodge en 2015 et à la rénovation de façades de maisons de pêcheurs au Cap-Vert en 2016.
Crée en 2006, par Aurélien Seux et Antoine Richard, alors tout juste âgés de 24 ans à l’époque, Double Sens a fait le pari d’allier découverte et solidarité. “L’idée de nos voyages est de toujours soutenir une initiative locale, tout en découvrant le pays. On intervient sur divers petits projets locaux. Et nous faisons en sorte que le séjour de chaque petit groupe de voyageurs permette le financement d’un projet “, explique Aurélien Seux.
Participation à des travaux d’agroécologie en Équateur, restauration du patrimoine au Pérou, recensement d’animaux protégés en Namibie, sensibilisation écologique en Inde, trocs de ressources en Mongolie, animation socio-culturelle au Bénin ou encore micro-chantiers générateurs de revenus locaux au Vietnam, les projets, toujours en partenariat avec des association locales, privilégient des zones peu fréquentées par le tourisme. Pour les 14 destinations proposées à ce jour, chaque lieu d’accueil n’est visité qu’une fois par mois pour ne pas dénaturer la nature et la culture locales. “Nous sommes très conscient de l’importance de préserver ces aspects car nous tenons à respecter un cycle équitable pour être cohérent avec les villageois avec lesquels nous travaillons”, revendique Aurélien Seux, qui a vécu cinq ans au Bénin pour accompagner le lancement de leur première destination dans ce petit pays d’Afrique de l’ouest.
Des échanges équitables
Le fondateur se défend pour autant de se substituer à une ONG humanitaire, car la règle est de toujours soutenir des initiatives qui existent déjà, avec le tourisme comme levier de renforcement ou d’aboutissement. Il aime ainsi à rappeler que leur objectif se concentre sur “la dimension solidaire avec les échanges et les rencontres ; la dimension responsable, grâce aux voyages en petits groupe (6 à 8 personnes en moyenne) ; et la dimension équitable car les retombées économiques sont partagées avec les communautés et transformées en emplois durables”.
Au Sri Lanka par exemple, Double Sens travaille avec une association qui développe des jardins de culture en bio dans le cœur du pays, dans une région où l’agriculture intensive fait rage. “L’association locale finançait déjà quelques jardins, et aujourd’hui avec notre partenariat nous pouvons soutenir un jardin tous les mois par famille ou pour une communauté. De plus, l’association peut désormais aller vendre la production deux fois par semaine dans la capitale et reverser directement les revenus à la communauté qui se nourrit mieux et sensibilise d’autres familles. On essaime !”, raconte-t-il avec enthousiasme.
Durant leur séjour, les voyageurs alternent entre ainsi entre participation aux projets locaux, vie de famille et slow tourisme. “Au Bénin, nous consacrons les weekend à la découverte avec des excursions en bord de lacs, rivières, lagunes, tout en allant dans les villages traditionnels pour comprendre comment les gens vivent et travaillent. Mais la semaine du lundi au vendredi, les voyageurs sont au sein d’un centre culturel où chacun partage ses savoir-faire. Nous avons eu par exemple une famille française où la mère a donné des cours de yoga, le père un soutien informatique et les enfants participé à un atelier peinture avec des artistes locaux. Des jeunes et des adultes locaux transmettent eux aussi des compétences, des savoirs techniques et artistiques à nos voyageurs. Il y a un partage réciproque sans que ce soit la caricature des Blancs qui débarquent”, assure Aurélien Seux.
Au plus près des familles
Logés et nourris chez l’habitant, les voyageurs bénéficient d’un contexte social et intime au plus près de la vie locale. “Chaque famille qui nous a hébergé était très différente de part leurs conditions de vie : du plus simple – sans eau courante ni électricité, ayant très peu voyagé en dehors de chez eux – à des familles plus modestes avec télévision et internet, au mode de vie plus occidental. Elles nous ont apporté un nouveau regard sur la vie de famille”, témoigne Pierre, 33 ans, responsable d’aménagement routiers, qui a voyagé avec Double sens au Pérou en 2017 à l’occasion de son voyage de noce. “Cela nous a permis de découvrir le pays sous différents angles. Et ce qui était très enrichissant, c’est que nous avons pu aller en profondeur dans les échanges sur le mariage bien sûr, mais aussi sur leur vision de la famille, du rythme de vie, du travail, des croyances, de l’accès au soin et à l’éducation. Toutes ces familles étaient dans un esprit d’accueil, de partage et de générosité à notre égard et cela en toute simplicité.”
Des rencontres qui marquent donc les esprits. À tel point que certains s’investissent dans l’association Frères de Sens, fondé en 2008 par d’anciens voyageurs de Double Sens, afin de prolonger leurs soutiens aux projets locaux, grâce à un budget qui varie entre 40 000 € et 50 000 € par an. Après ses deux séjours avec le voyagiste, Laëtitia a décidé d’aller elle aussi plus loin en adhérant à l’association : “Car en plus des missions que font les voyageurs sur place, il y a d’autres projets qui peuvent être identifiés par les locaux eux-mêmes, pas nous !”, tient-elle à préciser. Après son voyage au Cap-Vert, son engagement prend d’autant plus de sens à ses yeux que cette année, l’association va pouvoir soutenir l’achat du mobilier scolaire pour une petite école. En gardant quelques contacts avec les familles et en suivant les avancées des projets grâce aux réseaux sociaux, les voyageurs tissent ainsi un réseau de solidarité.
En fidélisant les voyageurs, Aurélien réalise que son concept “participe aussi aux changements de mentalités. Certains après leur retour, ont envie de consommer autrement”. “Oui, on relativise ! On se rend compte que l’on peut se contenter de beaucoup moins, qu’il faut arrêter de râler dès qu’il y a quelque chose qui ne va pas”, renchérit Laëtitia qui fait désormais plus attention à sa consommation d’eau, et reste persuadée que ces voyages contribuent à être plus respectueux de la nature. Pour Pierre : “Comme tout voyage avec de fortes rencontres humaines, il nous a enrichi et permis de relativiser sur nos conditions de vie et nos préoccupations.”
Compenser ses émissions carbones
Membre de l’association Acteurs du tourisme durable (ATD) et du réseau Agir pour un Tourisme Responsable (ATR) (label contrôlé par ECOCERT environnement et muni d’une charte voyageur), Double Sens fait appel à une société spécialisée pour mesurer ses émissions carbone. Pour chacune de ses destinations, un voyageur implique l’émission de trois tonnes de carbone en moyenne. “Pour contrebalancer cette émission, il faut financer des projets à hauteur de 50 € par voyageur”, précise Aurélien Seux. Si une participation de 25 € est demandée à chacun, de son côté, le concepteur de voyage finance l’autre moitié en soutenant l’association Microsol qui intervient sur des projets d’énergies renouvelables auprès des populations les plus vulnérables aux changements climatiques.
Et pour passer du global au local, le fondateur est en pleine réflexion pour essaimer en France ! “À un certain moment, on a aussi envie de revenir à nos valeurs de solidarité chez nous, d’autant plus que la France prend une tournure un peu plus humaine. On sent que les gens on envie de revenir à l’essentiel : partager. Chez nous aussi, nous pouvons mettre en valeur des savoir-faire et des traditions de vie locale et rencontrer tous ces gens investis dans de nouveaux modes de vie. Comme dans le film Demain !” Un retour aux sources prometteur.
Par Sabah Rahmani