Ce que mon voyage solidaire au Cambodge m'a apporté
A l'occasion de la Journée mondiale pour un tourisme responsable et respectueux, Psychologies a interviewé Clémentine, 32 ans, qui raconte son expérience de voyage avec Double Sens.
Clémentine, 32 ans, en avait assez des vacances « all inclusive » dans des grands hôtels. Elle a alors décidé de partir en voyage solidaire au Cambodge. Une manière pour elle de se sentir utile tout en découvrant une nouvelle culture.
"Je suis partie en voyage solidaire au Cambodge pour aider à construire deux cuves de récupération d’eau de pluie pour l’une des familles du village où notre groupe était accueilli. La plupart des habitants n’ont pas accès à l’eau courante et sont obligés d’aller la chercher dans le Mékong. C’est fastidieux, mais aussi dangereux, car le chemin est pentu.
Nous nous levions très tôt, au chant du coq. Tout le rythme des vacances était basé sur le soleil. Nous faisions une toilette de chat, avec de l’eau du fleuve, qui est très propre. C’était spartiate, nous n’avions qu’un seau et une bassine. Le premier jour, ce n’est pas simple, mais on devient très vite expert et c’est formidable de se dire qu’avec deux litres d’eau au fond d’une cabane, on peut tout à fait prendre une douche.
Après le petit déjeuner, que nous prenions tous ensemble, nous partions sur le chantier. Au travail, je passe toutes mes journées dans un bureau à taper sur un ordinateur, j’étais ravie de fabriquer quelque chose d’utile de mes mains. Et recevoir des sourires en échange, de gens qui sont contents, qui vous remercient, cela apporte beaucoup d’optimisme, de gaieté, de chaleur humaine. J’habite en plein centre de Paris, c’est rare de voir un sourire dans le métro. Cette chaleur, cette gentillesse, cette bienveillance m’ont fait énormément de bien. J’avais peur d’arriver pour construire quelque chose dont les gens n’avaient pas besoin, d’imposer une forme de confort européen, mais cette crainte s’est rapidement envolée !"
UN VOYAGE QUI A DU SENS
"Nous étions six voyageurs, plus des blogueurs, photographes et un cameraman qui faisaient un reportage. Le groupe était très chouette, j’ai rencontré des amis. Le pays sort tout juste d'une tragédie, avec les Khmers Rouges et a besoin de se relever. Le tourisme solidaire est un des moyens pour l’aider, à notre échelle. Ce voyage correspond aussi à un virage dans ma vie. Je travaillais dans une grande entreprise, mon avenir était tracé, mais je me suis rendu compte, comme beaucoup de gens, que j’avais besoin de sens dans mon quotidien. J’ai alors fait ma petite crise de la trentaine et me suis engagée dans le monde associatif, puis j’ai quitté ma boîte pour entrer dans une entreprise solidaire. Mon salaire a été divisé par deux. C’est à cette période que j’ai préparé cette aventure, qui faisait partie intégrante de ma mue.
J’étais déjà partie de plusieurs manières différentes, en camping, avec seulement mon sac à dos, sans rien planifier ou à l’inverse dans le cadre de formules « all inclusive » où il n’y a rien à faire. Mais lorsque je revenais de vacances et que je les racontais, je me suis aperçue que je narrais les instants où il y avait de l’échange, où j’avais rencontré les communautés, où j’avais vécu une partie de leur quotidien, bien plus que les plages paradisiaques et les cocktails servis sur un transat. Dans ce genre de voyages, il ne faut pas s’attendre à revenir avec un selfie devant les monuments incontournables. En revanche, c’est une véritable immersion. Nous avions de vrais contacts avec les gens. Des activités étaient organisées avec les personnes sur place, comme apprendre à cuisiner un dessert khmer que nous mangions le soir ou bien tresser des paniers en feuilles de bananier. Ainsi, nous avons découvert la culture cambodgienne bien mieux qu’en feuilletant le guide du Routard et en visitant des lieux touristiques !
Nous avons suivi des cours de Khmer pour pouvoir communiquer un minimum avec les familles qui nous accueillaient. Nous pouvions ainsi amorcer une conversation. J’ai eu des échanges formidables avec les enfants, avec lesquels il est plus facile de passer outre la barrière de la langue, même s’ils se moquaient gentiment de nous pour notre accent. Dans notre famille d’accueil, ils étaient 4. Je faisais des dessins, un arbre par exemple et la petite fille en face de moi devait le traduire dans sa langue, puis moi en français. Ce petit jeu a généré de la curiosité chez d’autres enfants. Ils se baladent beaucoup d’une maison à l’autre et je me suis retrouvée avec tout un groupe à dessiner, à échanger et à rire.
Une fois le chantier terminé, à la fin du séjour, nous étions très émus. Pour nous remercier, une cérémonie avait été organisée avec les moyens du bord, quelques ballons, des feuilles de palmier. Cela ressemblait à ces inaugurations municipales où il faut couper un ruban pour inaugurer un monument. C’était un moment très fort. La famille pour qui nous avions réalisé la cuve à eau était là, au complet. C’était l’aboutissement du voyage, et l’accomplissement d’une semaine de travail. Les gens semblaient ravis, ils nous ont témoigné leur gratitude avec leurs mots. Il y avait aussi une pointe de nostalgie, nous savions que le départ était proche."
Par Mathieu Blard | Psychologies